MÉVOUILLON
Lacroix : Statistiques du département de la Drôme 1835
MÉVOUILLON
MÉVOUILLON ou MEUILLON, MÉOUILLON (Medullio, Castrum Medullionis). - C'était une forteresse dont l'origine se perd dans la nuit des temps, et qui devint, au démembrement du royaume de Bourgogne, le chef-lieu d'un petit état indépendant, qui, sous le titre de baronnie, comprenait trente-cinq communes des environs.
Reymond, qui assista en 1178 à l'assemblée d'Arles, où l'empereur Frédéric fut couronné roi d'Arles et de Provence, est le plus ancien baron de Meuillon dont on ait conservé le souvenir. Ses successeurs sont inconnus jusqu'à Reymond qui vivait du temps du dauphin Guigues VII.
Reymond II ayant remis ses états à son fils, nommé aussi Reymond, en 1270, se retira dans un couvent de dominicains. Il devint depuis évêque de Gap, successivement archevêque d'Embrun, et mourut au Buis le 28 juin 1294. Son corps fut transporté à Sisteron, dans l'église des frères prêcheurs.
Reymond III favorisa les habitans et le chapitre de Die contre l'évêque de Valence avec qui ils étaient en guerre. Il se mit même à la tête de leurs troupes en 1291 ; mais, l'année suivante, ayant été obligé de mettre bas les armes, parce que le dauphin se déclara pour l'évêque, il céda la principauté à son petit-fils Reymond, et se fit religieux à Avignon, dans le couvent des frères mineurs.
Reymond IV, dit le Jeune, qui craignait le ressentiment du dauphin, se mit sous sa protection et se déclara son vassal. Quelques années après, fatigué des vexations qu'il éprouvait continuellement de la part du gouverneur du Comtat-Venaissin, il céda sa baronnie au dauphin Humbert II, en 1317, sous la seule réserve de l'usufruit pendant sa vie.
Un neveu de Reymond, Agout de Baux, de la maison des princes d'Orange, fut particulièrement irrité de cette donation, qui le privait de la plus belle portion de l'héritage de son oncle. Il suborna un cuisinier, qui se chargea d'empoisonner le baron. Surpris dans l'exécution de son crime, ce cuisinier fut arrêté, poursuivi et condamné à mort le 23 juillet 1323. Après l'avoir traîné nu sur une claie, attaché par les pieds à la queue d'un cheval, depuis la porte du château de Mévouillon jusqu'aux jardins de Villefranche, en le tenaillant en huit parties du corps avec des instrumens tranchans et ardens, on le pendit aux fourches publiques. L'histoire, qui nous a transmis les détails de ce cruel supplice, se tait sur la peine encourue par Agout de Baux, et l'on s'en étonne peu ; il était trop puissant pour que la justice pût l'atteindre.
Le fort était bâti sur une colline isolée et environnée d'un roc taillé à pic de 300 pieds de haut. Il dominait la plaine qui forme le territoire de Mévouillon.
Les protestans, sous les ordres de Dupuy-Montbrun, s'en rendirent maîtres en 1573. Les catholiques, qui bloquaient le fort, se flattaient de le réduire par la famine. Un mois s'était écoulé, et il ne restait plus que trois boisseaux de blé et un porc : après avoir livré le blé à cet animal, on le jeta, ainsi repu, dans le camp des assaillans, qui, croyant les vivres abondans dans la place, se retirèrent (1) (1) Ce trait est imité des Romains au siége du Capitole par les soldats de Brennus. (Tite Live, livre V, 1re décade.).
Cependant, les protestans, contraints de l'abandonner peu d'années après, voulurent la reprendre en 1591. César Nostradamus, dans son Histoire et Chronique de Provence, imprimée à Lyon en 1614, rapporte que Gouvernet, après un blocus de onze mois, prit Mévouillon par famine et le ravagea. C'était, dit-il, un fort inforçable.
Les protestans en étaient encore maîtres en 1626, et Lesdiguières, leur ancien chef, devenu maréchal de France et connétable, voulut s'emparer de cette place. Il donna, de Valence, où il était retenu par son grand âge et par une maladie grave, l'ordre d'assiéger Mévouillon. Montauban, qui était alors à la tête des protestans dans cette partie du Dauphiné, y commandait. Le fort capitula le 23 septembre, après un siége de quarante-six jours, conduit, suivant les instructions du connétable, par Bertrand de Morges, seigneur de la Motte-Verdeyer, un de ses lieutenans.
En 1684, au mois d'avril, le fort fut démoli par ordre de Louis XIV.
Il y avait pourtant encore, à l'époque de la révolution, un gouverneur et un lieutenant de roi pour Mévouillon, mais ils n'y résidaient point et n'y paraissaient même jamais.
Cette place déclina sensiblement après sa réunion au Dauphiné : les nombreux siéges qu'elle soutint contribuèrent beaucoup à sa décadence ; elle fut telle, que, sous Louis XIII, il ne restait déjà plus de l'ancien Mévouillon que le fort et, comme aujourd'hui, une vingtaine de hameaux.
Il est à 8 kilomètres de Séderon et 55 de Nyons. Sa population est de 790 individus. Le territoire est étendu, mais peu productif : on n'y récolte que du blé, du seigle, de l'avoine et des noix.MÉRINDOL <-- Retour à l'index --> MIRABEL